Qu’est-ce que l’asexualité ? La question n’est pas simple. Bien que le domaine de la recherche scientifique s’y penche depuis les 20 dernières années, il n’existe toujours pas de consensus quant à sa définition. C’est possiblement parce que la définition est plus complexe que celle qu’on cherche, et se doit d’inclure plus d’un élément pour bien l’identifier [9]. Il est généralement admis que l’asexualité est une orientation sexuelle qui se caractérise par une absence ou un faible niveau d’attraction (ou attirance) sexuelle envers l’un ou l’autre sexe [2,3,7, 11]. Cette conceptualisation est basée sur le modèle théorique de l’orientation sexuelle de Storms de 1980 [16], qui place l’asexualité plus ou moins au bas des échelles d’hétérosexualité et d’homosexualité1. Que l’asexualité occupe une zone plus ou moins délimitée au bas de ces échelles accommode bien le spectre de l’asexualité, celle-ci existant sur un continuum. En effet, une personne asexuelle peut parfois ressentir ou développer une attraction sexuelle envers une autre personne avec qui elle entretient une relation [2,12]. L’asexualité conceptualisée comme une orientation sexuelle selon le modèle Storms demeure toutefois une définition en elle seule insatisfaisante, car il n’y a pas de seuil clair qui la délimite des autres orientations. Si l’orientation sexuelle concerne l’attirance de l’individu à l’un ou l’autre sexe, le désir sexuel, lui, concerne l’intérêt pour le contact sexuel, la pulsion de s’engager dans une activité sexuelle [13]. L’absence ou le faible niveau d’attraction sexuelle présente chez les personnes asexuelles ne les privent pas de ressentir du désir sexuel [4,6,8], soit solitaire ou envers une autre personne. Cet intérêt sexuel n’est simplement pas dirigé vers une autre personne. On pourrait dire qu’il est déconnecté d’autrui [4,7,11]. En effet, la masturbation (c.-à-d., le désir sexuel solitaire) chez les personnes asexuelles est souvent dépourvue de fantasmes, et vise la détente ou la réduction de la tension sexuelle, et l’activité sexuelle avec un partenaire (c.-à-d., le désir sexuel dyadique) ne survient souvent que pour satisfaire les besoins de ce dernier [5-8,11]. Il demeure que, bien que les personnes asexuelles puissent ressentir du désir sexuel, elles obtiennent des scores de désir sexuel significativement plus faibles que les personnes dites non-asexuelles [15,17]. Il est important de préciser que le faible niveau de désir sexuel qui caractérise l’asexualité est à distinguer du Trouble du Désir Sexuel Hypoactif (HSDD) du DSM (Diagnostic and Statistical Manual of mental disorders). Ce diagnostic a longtemps fait de l’asexualité une pathologie [10]. La détresse face au faible désir sexuel est le critère-clé qui permet de diagnostiquer le HSDD, mais les personnes asexuelles ne sont pas en détresse face à leur faible niveau de désir [5,7]. En 2013, l’asexualité auto-identifiée (c.-à-d., l’acte d’affirmer que son identité sexuelle est asexuelle) a été formellement introduit dans le DSM-5 comme un critère d’exclusion au HSDD [1]. Autrement dit, une personne qui se dit asexuelle ne peut pas recevoir le diagnostic du Trouble du Désir Sexuel Hypoactif. S’il y a un critère incontournable à inclure dans la définition de l’asexualité, c’est bien l’autoidentification à l’identité asexuelle, le A dans LGBTQIA2S+. Aucune mesure de l'asexualité, bien qu'il existe un test validé pour l'évaluer [17], ne peut remettre en question l'affirmation personnelle d'un individu sur son identité sexuelle. Cette identité peut être liée ou non à une orientation sexuelle précise et/ou à un niveau de désir sexuel. L’asexualité ne peut donc pas être définie de façon purement objective. L’opinion subjective de la personne asexuelle doit être prise en considération.
En conclusion, pour être complète, la définition de l’asexualité devrait tenir compte de plus d’un élément, soit l’orientation sexuelle, le niveau de désir sexuel ET l’autoidentification sexuelle [9]. Si vous avez des questions quant à votre orientation sexuelle ou encore des questions en lien avec l’asexualité, n’hésitez pas à contacter Interligne (Téléphone et texto : 1 888 505-1010; Clavardage : https://interligne.co/). 1 Le terme homosexualité, qui a été remplacé par le mot gai dans le lexique sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres de la Ligue des droits et libertés [14], est utilisé ici pour respecter le modèle original de Storms. Références 1 American Psychiatric Association. (2013). Diagnostic and statistical manual of mental disorders DSM-5 (5e éd.). https://doi.org/10.1176/appi.books.9780890425596 2 Asexuality Visibility and Education Network. (s.d.). https://www.asexuality.org 3 Bogaert, A. F. (2004). Asexuality: Prevalence and associated factors in a national probability sample. Journal of sex research, 41(3), 279-287. https://doi.org/10.1080/00224490409552235 4 Bogaert, A. F. (2006). Toward a conceptual understanding of asexuality. Review of general psychology, 10(3), 241-250. https://doi.org/10.1037/1089-2680.10.3.241 5 Bogaert, A. F. (2013). The demography of asexuality. Dans Baumle, A. K., (dir.), International handbook on the demography of sexuality (p. 275-288). Springer Netherlands. 6 Bogaert, A. F. (2015). Asexuality: What it is and why it matters. Journal of sex research, 52(4), 362-379. https://doi.org/10.1080/00224499.2015.1015713 7 Brotto, L. A., Knudson, G., Inskip, J., Rhodes, K., & Erskine, Y. (2010). Asexuality: A mixed-methods approach. Archives of sexual behavior, 39, 599-618. https://doi.org/10.1007/s10508-008-9434-x 8 Brunning, L., & McKeever, N. (2021). Asexuality. Journal of applied philosophy, 38(3), 497-517. https://doi.org/10.1111/japp.12472 9 Catri, F. (2021). Defining asexuality as a sexual identity: Lack/little sexual attraction, desire, interest and fantasies. Sexuality & culture, 25(4), 1529-1539. https://doi.org/10.1007/s12119-021-09833-w 10 Cerankowski, K. J., & Milks, M. (2010). New orientations: Asexuality and its implications for theory and practice. Feminist studies, 36(3), 650-664. https://www.jstor.org/stable/27919126 11 Decker, J. S. (2015). The invisible orientation: An introduction to asexuality. Simon and Schuster. 12 Human Rights Campaign (s.d.). Understanding the asexual community. https://www.hrc.org/resources/understanding-the-asexual-community 13 Levine, S. B. (2003). The nature of sexual desire: A clinician's perspective. Archives of sexual behavior, 32, 279-285. https://doi.org/10.1023/A:1023421819465 14 Ligue des droits et libertés. (s.d.). https://liguedesdroits.ca/lexique-sur-la-diversite-sexuelle-et-la-pluralite-des-genres 15 Prause, N., & Graham, C. A. (2007). Asexuality: Classification and characterization. Archives of sexual behavior, 36, 341-356. https://doi.org/10.1007/s10508-006-9142-3 16 Storms, M. D. (1980). Theories of sexual orientation. Journal of personality and social psychology, 38(5), 783. https://doi.org/10.1037/0022-3514.38.5.783 17 Yule, M. A., Brotto, L. A., & Gorzalka, B. B. (2015). A validated measure of no sexual attraction: The asexuality identification scale. Psychological assessment, 27(1), 148. https://doi.org/10.1037/a0038196
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